ABBADIDES

ABBADIDES
ABBADIDES

On donne le nom d’Abbadides à une dynastie hispano-musulmane d’origine arabe, celle des Beni ‘Abb d. Elle régna à Séville, de 1023 à 1091, et fit de cette ville la capitale d’un État qui s’agrandit progressivement, surtout vers 1050-1080. À l’ouest, il engloba le pays compris entre le bas Guadalquivir et le bas Guadiana, les régions autour de Niebla, Huelva et Saltes, Mertola et Silves (dans le sud du Portugal actuel). Il s’étendit vers le sud-est et le sud dans les zones de Morón, Arcos, Ronda et Algesiras-Tarifa; vers le nord et le nord-est, sur le pays cordouan et sa capitale Cordoue (prise en 1070, perdue en 1075, reprise en 1078) puis sur la partie de l’émirat de Tolède située au sud du Guadiana; enfin même, vers l’est, jusqu’à Murcie et toutes ses dépendances (1079).

Avant d’être une famille souveraine, les Abbadides furent illustrés par un homme de loi, Ismaïl ibn A face="EU Updot" bad, puis par son fils, juriste lui aussi devenu cadi de Séville: Aboul-Qasim Mohammed. Peu après la dislocation du califat omeyyade de Cordoue (1010), ce cadi s’attribua le pouvoir à Séville, y prenant en 1023 (414 de l’hégire) le titre de hadjib chambellan», c’est-à-dire maire du palais). Il devint ainsi un prince indépendant de facto, tout en reconnaissant encore une suprématie à la dynastie de souche arabo-marocaine des Hammoudides, qui s’attribuait à Cordoue l’autorité califale. Mais, bientôt, il rejeta cette suzeraineté, devenant un émir de rang royal, d’autant que le califat hammoudide de Cordoue se résorba dès 1031 en un émirat. C’était l’époque où al-Andalus, c’est-à-dire l’Espagne musulmane, se fractionnait en royaumes dits de taïfas.

Après des luttes obscures contre les taïfas voisines, l’Abbadide Abou-l-Qasim mourut en 1042, ayant bien assis son émirat sévillan. Son fils Abou Amr Abbad, alors âgé de vingt-six ans, lui succéda, prenant le nom d’al-Motadid billah («Celui qui compte sur Dieu»). Autoritaire, ambitieux, rusé, cruel, sans scrupules, homme de cabinet plus que chef militaire, ce prince fut jusqu’à sa mort, en 1069, le plus en vue des rois de taïfas du groupe hispano-arabe comprenant les chefs berbères qui avaient constitué des États, notamment l’émir ziride de Grenade. Durant un temps, afin de faciliter sa politique, al-Motadid feignit d’avoir retrouvé et restauré le dernier souverain omeyyade de Cordoue, le calife Hicham II (renversé en 1009, rétabli en 1010, disparu en 1013) qu’il prétendait maintenir à l’abri de tous contacts, pour lui éviter une nouvelle disparition. Par la suite, il n’en fut plus question.

Ce politique impitoyable fit périr asphyxiés dans des thermes dont il avait fait boucher les issues de petits princes berbères d’Andalousie qu’il avait invités à un banquet: ceux-ci venaient de se rallier à lui, mais il doutait de leur sincérité. Il n’hésita pas davantage à tuer son fils Ismaïl, qui avait tenté de se tailler une principauté indépendante. Philosophe, fataliste par certains côtés, il était aussi raffiné, épicurien; poète, il parlait et écrivait un arabe très élégant et entretenait à sa cour un cénacle de versificateurs et de rhétoriciens. Mais, plus heureux ou plus habile contre les princes musulmans, ses rivaux, que contre les chrétiens, il avait dû «acheter» la paix à Ferdinand le Grand, le roi qui régnait sur la Castille, le León et la Galice, lui versant chaque année un tribut de plusieurs milliers de pièces d’or. Respectueux de la foi chrétienne, il autorisa en 1063 le transfert, de Séville à León, des restes de saint Isidore, le grand docteur de l’Église wisigothique des VIe et VIIe siècles.

Le fils et successeur d’al-Motadid, Mohammed, né en 1040, régna de 1069 à 1091, sous le nom d’al-Motamid billah («Celui qui s’appuie sur Dieu»). Son père lui avait fait apprendre l’art de gouverner, en le plaçant très jeune à la tête de la province de Silves. Il y avait connu un jeune poète, Ibn Ammar, avec qui il se lia d’une grande amitié; devenu roi, il en fit son conseiller et son vizir. Il poursuivit, avec les mêmes méthodes que son père, la même politique d’expansion. Poète lui aussi, protecteur des musiciens et des médecins, créateur d’un jardin botanique, il n’était pas dépourvu de noblesse. Lorsque le roi García de Galice fut vaincu et détrôné en 1071 par ses frères Sanche de Castille et Alphonse VI de León (ces trois princes s’étant partagé en 1065 l’héritage de leur père Ferdinand le Grand), al-Motamid hébergea plusieurs mois le monarque chrétien fugitif, à qui il avait antérieurement payé tribut (car c’est le roi de Galice qui avait hérité en 1065 de ce versement annuel sévillan obtenu par Ferdinand le Grand).

Cependant, l’expansion abbadide avait pour corollaire l’affaiblissement des autres royaumes de taïfas. Tant que l’Espagne chrétienne avait été elle-même très divisée, un équilibre avait pu se maintenir. Alphonse VI, en réunifiant le quart nord-ouest de la Péninsule, devenait menaçant. En 1074, al-Motamid augmenta encore la puissance financière de ce grand roi chrétien en lui versant une forte somme pour obtenir son alliance contre Grenade; en 1078, Alphonse VI traversant l’État tolédan, qui était aussi son tributaire, et lançant un raid jusque sous les murs de Séville, al-Motamid effectua un nouveau paiement important pour obtenir son repli. Afin de lui faire contrepoids, il se lança alors sur la taïfa de Murcie; mais, une fois encore, il dut monnayer chèrement la nécessaire alliance du comte de Barcelone; et cette affaire se termina par une rupture, définitive cette fois, entre l’émir et son vizir Ibn Ammar, qu’il exécuta en 1084. Cependant, depuis 1082, la guerre avait repris entre al-Motamid et Alphonse VI qui, attaquant aussi son tributaire tolédan, s’empara de Tolède en 1085.

Du coup, en accord maintenant avec les autres rois de taïfas, al-Motamid demanda aide aux Almoravides, qui venaient d’installer leur pouvoir sur le Maroc et l’ouest de l’Algérie actuelle. Une première expédition de secours arrêta en 1086 l’avance chrétienne; mais, à peine les Africains rentrés au Maroc, il fallut de nouveau les solliciter. L’empereur almoravide décida alors de prendre lui-même en main tout al-Andalus, les plus éminents «docteurs en science coranique» déclarant d’ailleurs les rois de taïfas indignes d’exercer le pouvoir. En 1090-1091, les Almoravides conquirent donc le royaume d’al-Motamid, qu’Alphonse VI essaya inutilement de secourir et qui combattit avec héroïsme jusqu’à sa capture à Séville en septembre 1091. Accompagné de son épouse préférée, l’ancienne esclave Romaïqiya, il fut déporté à Meknès; puis ils furent tous deux transférés à Aghmat: en cette petite localité du Haouz marocain, on montre aujourd’hui encore deux humbles tombes, qu’on dit être les leurs.

Lors de la conquête de l’État sévillan par les Almoravides, une Abbadide, belle-fille d’al-Motamid, la princesse Zaïda, veuve du prince al-Mamoun tué en défendant Cordoue contre les Africains, horrifiée à l’idée de tomber entre les mains de ces «Barbares», s’enfuit en terre chrétienne. Elle arriva à la cour d’Alphonse VI. Celui-ci en fit sa maîtresse. Convertie au christianisme sous le nom d’Isabelle, elle donna au roi vers 1100 le seul fils qu’il eut, l’infant Sanche qu’il légitima. Ce fils d’une Abbadide serait devenu roi de Castille, de León et de Galice s’il n’était mort avant son père.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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